Femmes et numérique : vers un futur plus inclusif et équitable
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, célébrée le 8 octobre, l’équipe 123Digit explore la question de l’inclusion numérique à travers le prisme des droits des femmes.
Les femmes ont marqué l’histoire de l’informatique et continuent d’apporter des contributions essentielles. Pourtant, leur sous-représentation actuelle dans le numérique illustre un problème systémique qui va bien au-delà des carrières tech : même en tant qu’utilisatrices, elles sont trop souvent oubliées. Un exemple frappant est la taille des écrans de smartphones, conçus pour s’adapter aux mains masculines, rendant leur usage moins confortable pour de nombreuses femmes. Ce biais de conception reflète une exclusion plus large qui nécessite des actions concrètes. Cette situation pose la question de la fracture numérique entre les genres, une problématique qui persiste à l’échelle mondiale.
Pourtant, les femmes n’ont pas toujours été « exclues » du monde de la tech. En effet, les femmes ont joué un rôle fondamental dans l’histoire de l’informatique, bien que leur contribution ait souvent été minimisée ou oubliée. De Ada Lovelace, première programmeuse de l’histoire, aux programmeuses de l’ENIAC qui ont codé le premier ordinateur électronique, en passant par Margaret Hamilton, qui a contribué à l’alunissage d’Apollo 11, leur empreinte est indélébile. Alors pourquoi est-ce différent aujourd’hui ?
Un recul marqué depuis les années 1980
Jusqu’aux années 1980, les femmes étaient largement présentes dans les métiers de la programmation. Toutefois, avec l’essor des ordinateurs personnels, principalement commercialisés pour un public masculin, l’informatique est progressivement devenue un secteur dominé par les hommes. Aujourd’hui, selon un rapport de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) réalisé en collaboration avec le G20, les hommes ont quatre fois plus de chances que les femmes d’être des spécialistes des TIC (technologies de l’information et de la communication).
Une excellence féminine en informatique dès le plus jeune âge
Contrairement aux idées reçues, les filles possèdent des compétences numériques équivalentes, voire supérieures, à celles des garçons. L’enquête internationale ICILS révèle que leurs performances en littératie numérique et en pensée informatique sont comparables, et leur intérêt pour ces domaines est tout aussi fort. Elles participent en nombre aux stages de découverte en numérique et robotique. À l’occasion de ces stages ponctuels, les organisateurs se félicitent d’avoir une mixité quasi parfaite. Certains stages liés au numérique qui ne s’adressent qu’aux filles, sont victimes de leurs succès et fonctionnent avec des listes d’attente. Cependant, lorsqu’il s’agit d’engagements à plus long terme ou de parcours de formations longs, la présence des femmes diminue fortement. Cette tendance se reflète notamment dans les écoles d’informatique, où seulement 20 % des candidats aux examens d’entrée sont des femmes, et elles ne représentent plus que 10 % à la rentrée.
Une fracture numérique aux multiples facettes
Le Baromètre de l’Inclusion Numérique 2024 met en évidence les inégalités numériques entre les genres :
- Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à être en situation de vulnérabilité numérique.
- Elles ont moins accès aux outils numériques et développent moins de compétences avancées.
- Cette fracture numérique limite leur accès aux opportunités professionnelles et administratives en ligne.
Pourquoi y a-t-il si peu de femmes dans la tech ?
Le faible nombre de femmes dans le secteur du numérique s’explique par plusieurs facteurs :
Stéréotypes de genre et socialisation
Dès l’enfance, les filles sont moins encouragées à s’intéresser aux sciences et à la technologie. Les jouets, les médias et l’éducation véhiculent souvent l’image d’une tech « masculine », influençant leurs choix scolaires et professionnels.
Manque de modèles féminins
L’absence de figures emblématiques féminines dans l’histoire de la tech limite l’identification des jeunes filles à ce domaine et réduit leur envie de s’y projeter.
Environnement peu accueillant
Dans les études et les entreprises tech, la majorité masculine crée un sentiment d’isolement pour les femmes, parfois renforcé par des discriminations ou une culture sexiste.
Biais inconscients dans le recrutement et la carrière
Les entreprises ont tendance à favoriser des profils masculins, limitant les opportunités d’embauche et de progression des femmes dans le secteur.
Charge mentale et équilibre vie pro/perso
Les longues heures de travail et la culture du surinvestissement professionnel sont souvent perçues comme incompatibles avec les responsabilités familiales, ce qui peut dissuader les femmes de choisir ou de rester dans la tech.
Technologies conçues sans elles
Même en tant qu’utilisatrices, les femmes sont souvent oubliées dans la conception des produits numériques, ce qui renforce leur sentiment d’exclusion du secteur.
L’éducation, un levier clé
Selon un rapport de l’OCDE sur l’APEC, l’éducation joue un rôle central dans la réduction de la fracture numérique entre les genres. Parmi les recommandations figurent : l’intégration des compétences numériques dans tous les programmes scolaires, l’encouragement des filles à coder dès le plus jeune âge et la mise en place de bourses et de mentorat pour les jeunes filles souhaitant s’orienter vers les STEM et les TIC.
Des initiatives pour réduire l’écart
Face à ces constats, plusieurs initiatives tentent de rétablir un équilibre :
Journée internationale des jeunes filles dans le secteur des TIC : Célébrée chaque année le quatrième jeudi d’avril, cette journée vise à encourager les jeunes filles à s’intéresser aux technologies de l’information et de la communication.
The Future of Tech is Female (FotiF) : c’est à la fois un club dynamique, à l’initiative de plusieurs femmes issues de la tech et une semaine annuelle d’événements dédiée à rassembler des femmes de tous les secteurs pour explorer l’univers de la technologie et de l’entrepreneuriat.
Stream’Her : Fondée en 2020, cette communauté vise à accroître la visibilité et le soutien des streameuses francophones en Belgique, en offrant un espace d’entraide et de partage d’expériences.
BeDigital Together : Cette initiative se concentre sur l’intégration des femmes dans le monde du travail numérique, en proposant des programmes d’orientation et de réorientation professionnelle pour faciliter leur entrée ou retour dans le secteur.
Inspiring Fifty Belgium : Lancée en 2019, cette initiative identifie et met en avant cinquante femmes belges ayant marqué le secteur technologique, afin de les présenter comme modèles et sources d’inspiration pour les générations futures.
GIRLEEK : c’est une initiative belge qui vise à autonomiser les femmes dans le numérique à travers des formations, webinaires et ateliers. Elle propose des programmes d’accompagnement pour renforcer leurs compétences digitales et faciliter leur insertion professionnelle.
Conclusion
Réduire la fracture numérique entre les genres est un enjeu majeur pour une société plus inclusive et innovante. Loin d’un manque de compétences ou d’intérêt, la faible présence des femmes dans la tech résulte de barrières culturelles, structurelles et systémiques qui limitent leur accès et leur progression. Pourtant, des initiatives émergent pour renverser cette tendance et favoriser une meilleure représentation féminine. En investissant dans l’éducation, en valorisant des rôles modèles et en adaptant les environnements professionnels, nous pouvons façonner un numérique plus diversifié et équitable, où les femmes ont pleinement leur place, tant comme créatrices que comme utilisatrices.
Cet article a été écrit dans le cadre du projet “123Digit”, avec le soutien du SPP Intégration Sociale, Digilab et l’Union européenne.